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Baie St-Marguerite

Trois jours de grimpe sur la Côte-Nord

Départ de Québec à 5 h vendredi dernier. Plutôt à 6 h 20 le temps de paqueter 5 gars dispersés dans la ville, leur barda de camping, leurs skis, leurs traîneaux et leur équipement d’escalade dans la minivan louée spécialement pour l’occasion, et l’occasion, d’ailleurs, elle est belle : 3 jours de grimpe printanière sur la Côte-Nord le long de la rivière Sainte-Marguerite, près de Gallix, près de Sept-Îles, loin du reste.

Le soleil de mars, des cafés Tim Hortons avec des rebords perdants et Québec Redneck Bluegrass Project ont tôt fait de décoller nos paupières pendant que la minivan remplie presque à ras bord file sur la 138, traversant l’épique boulevard Sainte-Anne, les montagnes de Charlevoix, notre fjord national, un petit bout de la Côte-Nord…

Tsé quand ça va ben, Que c’est un de ces matins, Quand ça va ben, Que tu travailles pas demain…

Mais malheur, Baie-Comeau à peine dépassée, la route sinueuse franchit plusieurs rivières libres de glace. L’inquiétude gagne la troupe : notre plan implique de skier quelques kilomètres sur une rivière, de préférence gelée; nos traîneaux surchargés flottent mal.

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Sur la rivière

Heureusement, nos craintes sont vite apaisées lorsque la majestueuse Sainte-Marguerite apparaît au détour d’un virage dans sa largeur de lac et sa blancheur de banquise qui monte vers le nord. Toujours portés par les tounes de ski-doo de QRBP, on remplit les traîneaux et on part sans lambiner, un ski devant l’autre à un rythme digne d’Alex Harvey. Du moins, c’est ce qu’on croit jusqu’à ce que deux motoneigistes nous doublent à toute vitesse, non sans avouer nous trouver pas mal motivés pour des escargots partis de Québec le matin même : Envoye fourre, défourre Réguenne, déreguenne, Pis crinque, ar’crinque, Pis donnes-y du choke ! C’est qu’on aimerait bien grimper avant la fin de la journée, nous.

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Sur la rivière (bis)

Les premières cascades au bord de la rivière sont bien cuites, ce qui ne laisse rien présager de bon pour celles, plus loin, qui nous intéressent. Le soleil de mars serait-il déjà venu à bout des célèbres cascades de la Sainte-Marguerite ? La vue de L’Escalier, immense pyramide de glace presque aussi large que haute, nous rassure. Un peu plus loin, au centre d’un amphithéâtre d’où s’écoulent de longues cascades, les 180 mètres de glace du Pilier Simon-Proulx font saliver pour le lendemain, mais les autres voies semblent moins invitantes : La Souris mexicaine n’est pas sortie de son trou, Speedy Gonzales connecte à peine et Le Mulot est dangereusement dégarni. Mais Jeff et P-A ne perdent pas espoir : de près, demain, ça aura l’air plus beau !

Jeff, P-A et Francis décident aussitôt d’aller tâter de la glace pendant que François et moi allons monter le camp des deux prochaines nuits dans une baie non loin, à l’abri du vent. Pour les trois pressés tout de même pas plus rapides que le soleil, la grimpe se finit bien sûr à la frontale, comme il se doit. Mouches à feu qui s’éloignent puis se rejoignent jusqu’à toucher terre. Le reste n’est que bouffe réhydratée, Chemineaud, plans pour les prochains jours et histoires de grimpe comme d’autres racontent des histoires de pêche, comme il se doit. Mais même si la nuit est douce et claire à l’ombre des géantes, le sommeil a rapidement raison de nous.

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Jeff Bernier avant de se lancer dans le Pilier

Après une matinée bien grasse, vers midi nous nous dirigeons vers le Pilier Simon-Proulx, que nous grimperons à deux cordées : Jeff et François dans l’une, P-A, Francis – photographe officiel de l’expédition – et moi dans l’autre. P-A, qui a bien failli ne pas venir à cause d’une jambe récalcitrante, s’est bourré d’ibuprofènes et d’adrénaline et est prêt à grimper en tête les longueurs deux et trois, les plus verticales.

La brève approche en ski de fond sur une glace parfois précaire, puis dans un labyrinthe de buttons de neige donne lieu à quelques cascades le plus souvent involontaires. Une fois devant le Pilier, on comprend tout de suite que cette voie imposante, blanche aux reflets dorés, solidement agrippée à une paroi tantôt verticale, tantôt déversante, mérite sa place parmi les plus belles du Québec. Francis, qui prévoyait redescendre après une longueur ou deux au moyen d’une corde fixe et prendre des photos, abandonne bien vite ce projet de retraite devant la beauté de la voie : la corde demeurera au pied du mur.

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Le Pilier Simon-Proulx

Malgré quelques irritants – la glace bien rôtie par le soleil des derniers jours, une première chute en tête sur une vis pour ma part, un ATC laissé à Québec, Speedy juste à côté qui lance périodiquement des pépites d’or glacé ou de glace dorée… – la grimpe se passe plutôt bien. La cordée de deux progresse à bonne vitesse; pour la nôtre, c’est autre chose. La verticalité presque parfaite de la deuxième longueur, combinée à la qualité douteuse de la glace, ralentit autant le leader que les seconds. D’ailleurs, le photographe officiel a remisé son appareil photo et se concentre sur ses piolets, ses crampons et sa sueur – il le ressortira demain. De son côté, P-A, qui a utilisé toutes ses vis sauf une, est forcé de faire une lunule pour le relais, ce qui nous laisse entièrement le temps de recevoir plein de glaçons sur la tête et les épaules tout en contemplant la magnifique vallée de la Sainte-Marguerite et les falaises abruptes qui nous entourent.

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P-A tout près et Jeff plus haut, sur le Pilier

Pour la troisième longueur, nous empruntons le chemin que viennent de prendre Jeff et François, en partie dans un coin, ce qui offre davantage de possibilités pour les pieds, une glace moins mauvaise, et nous permet de rattraper une partie du temps perdu. Reste que nos deux acolytes redescendent déjà du sommet, 80 mètres plus haut…

Quand nous arrivons à notre tour au sommet, un peu pas mal fourbus – pour Francis et moi du moins; P-A, lui, est encore sur l’adrénaline, les ibuprofènes et la perspective du Chemineaud qui l’attend au campement –, le soleil a disparu depuis belle lurette de l’autre côté de la falaise, même si on peut tout de même apercevoir le golfe au loin. La descente se fera bien sûr à la frontale, comme il se doit. Fort heureusement, Jeff et François, qui sont déjà en train de souper près des tentes, ainsi qu’ils ne manquent pas de nous en informer par walkie-talkie avec un plaisir non dissimulé, ont déjà installé des lunules pour le rappel. Double ration de Chemineau pour ces braves salopards !

À la lueur des lampes, le rappel bien vertical a de quoi impressionner Francis qui, mine de rien, en est à sa première saison de glace : « On a grimpé ça ? » s’exclame-t-il en me rejoignant au premier relais, à la fois fier et incrédule. Oui, monsieur. Nos bras et nos jambes nous le rappelleront d’ailleurs dans les prochains jours !

Le reste n’est que bouffe réhydratée, Chemineaud, plans pour le lendemain et histoires de grimpe comme d’autres racontent des histoires de pêche, comme il se doit. Mais même si la nuit est encore plus douce et claire que la veille à l’ombre des géantes, le sommeil a une fois de plus raison de nous.

Pour notre dernière journée sur la Sainte-Marguerite, une fois le campement démonté, la cuisine enterrée, les traîneaux chargés, Jeff et P-A, renonçant à Speedy qui continue de se désintégrer au soleil, partent à la recherche d’exotiques petites cascades un peu plus haut sur la rivière : Fermez les écoutilles (eurk !), Mémoire d’un piolet (beurk !), Belvédère (pas pire pantoute à condition de passer là où c’est plus raide !).

L'Escalier

François et moi, qui n’avons pas encore grimpé L’Escalier, allons nous y amuser pour la journée, accompagnés du photographe officiel remis de ses émotions. Une fois le soleil brûlant passé à l’ouest après nous avoir bien brûlé le visage, depuis le haut de la voie nous apercevons deux petits skieurs qui reviennent vers nous, points noirs au milieu de l’immensité blanche de la rivière gelée.

François Lemieux dans L'Escalier

Il est temps de redescendre puis de nous diriger vers Sept-Îles où nous attend la tante de François et un copieux repas sans bouffe réhydratée ni Chemineaud, mais avec quelques canettes de 50 et des histoires de grimpe comme autant d’histoires de pêche, comme il se doit. Et bien que nous ne soyons plus à l’ombre des géantes, le sommeil n’a cette fois encore pas à se démener beaucoup pour avoir raison de nous.

Bibi, dans L'Escalier

Le lendemain, au grand désespoir de P-A qui tente en vain de nous convaincre de faire un « léger » détour par les monts Valin pour récurer vigoureusement la Dent de Dracula, nous repartons pour Québec sous le soleil de mars, toujours bercés par Québec Redneck pendant que la minivan remplie cette fois à ras bord file de nouveau sur la 138, traversant un petit bout de la Côte-Nord, notre fjord national, les montagnes de Charlevoix et surtout l’épique boulevard Sainte-Anne…

Fourre, défourre, Réguenne, déreguenne, Pis cule, recule pis colle, décolle, Déterre la laye, tire su’es patins, Au yabe, d’la marde je r’viendrai d’main !

Francis, photographe de l'extrême !

Article originalement partagé sur facebook par Sébastien Hogue


Francis Fontaine

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